FEMMES AFRICAINES
EN MOUVEMENT
ICÔNES DE DEMAIN
TALA MOSIKA
« Le Congo est Grand il exige de nous de la Grandeur »
Par Jenny Obami - Septembre 2016
" Tala Mosika ", est une ONG qui a pour finalité le tri et la collecte de déchets dans la commune de LIMETE ( Congo - RDC ). Cette activité peu répandue en Afrique, a suscité ma curiosité et m'a donné en vie d'en savoir plus sur cette association et ses fondatrices. Lumière sur des femmes de vision qui ont choisi de mettre à profit leur énergie et leur temps pour contribuer à l'assainissement de la ville de Kinshasa.
1. FAM : Pouvez-vous présenter ?
- Johanna BUKASA-MFUNI, 25 ans. Co-fondatrice de Tala Mosika.
Journaliste de formation
- Mathania BUKASA-MFUNI, 25 ans. Co-Fondatrice de Tala Mosika.
Étudiante en droit des affaires, préparant l’examen d’entrée au CRFPA (Barreau de Paris.)
Toutes deux originaires de la République Démocratique du Congo (RDC)
" On veut amener les congolais à voir au delà du simple déchet, car toutes choses usagées peuvent trouver une nouvelle utilisation. "
2. FAM : Pourquoi avoir choisit le nom " Tala Mosika " ?
On voulait un nom fort qui frappe la conscience de tous (en tout cas, pour les lingalophones ).
On a donc pensé à « Tala Mosika » qui signifie en lingala « voir loin ». On veut amener les congolais à voir
au delà du simple déchet car toutes choses usagées peuvent trouver une nouvelle utilisation.
Mais aussi, voir au delà des crises politique et économiques qui frappent le pays.
On ne s’est pas uniquement contenter de dire aux gens de « voir loin », on voulait aussi qu’ils le visualisent d’où l’importance du logo.
Le logo est représenté par une main tenant un flambeau qu’elle pointe vers le ciel, dans lequel se trouve la République démocratique du Congo (RDC). Le flambeau est associé à la transmission. D'ailleurs, l'expression « Passer le flambeau », signifie transmettre à d'autres la continuité d'une oeuvre ou d'une tâche, afin d'en assurer la pérennité. Tala Mosika veut transmettre et impacter toutes les générations. Le flambeau symbolise également le prestige. D'où notre slogan « Le Congo est Grand il exige de nous de la Grandeur ».
3. FAM : Comment et quand vous est venue l'idée de recycler et transformer les déchets au Congo Kinshasa ?
Tout d'abord, contribuer au développement de notre pays a toujours été une de nos priorités. En 2012, c’était la première fois que l’on mettait les pieds à Kinshasa, on avait hâte de découvrir le pays de nos aïeux même si nous avions certaines appréhensions. Le Congo est un pays riche et puissant, mais malgré son fort potentiel, on a constaté qu’il était aussi riche en déchets. De ce constat est née une idée simple : ramasser et trier les déchets afin de lutter contre l'insalubrité, la pollution, et surtout de réduire les risques sanitaires.
On veut également par le biais de Tala Mosika développer l'économie du pays en créant de nouveaux emplois.
4. FAM : Vous avez mené une campagne de sensibilisation au sein de l'orphelinat Matumaini à Kingabwa. Avez-vous songé à mener cette campagne dans les écoles, les universités et/ ou les entreprises pour sensibiliser les habitants au tri des déchets ? Sinon dans quelles autres structures souhaitez-vous continuer ?
Effectivement, on avait songé à mener d’autres campagnes de sensibilisation dans des orphelinats, des écoles et universités, mais pour le moment nous sommes encore en négociation avec les entreprises. Les prochaines campagnes de sensibilisation débuteront en 2017. Notre souhait est de travailler avec les Taxis et les brasseries. (Bracongo - Bralima).
5. FAM : Avez-vous pensé à contacter les mairies des communes, les collectivités locales, ou le gouvernement pour la mise en place d'autres campagnes de sensibilisation ?
Nous avons contacté plusieurs organismes de l’État afin d’obtenir toutes les autorisations nécessaires pour exercer sur le territoire congolais. Suite à ça, nous avons reçu l’autorisation du bourgmestre de la commune de Limete pour ramasser les déchets dans sa commune; ainsi que le soutien du directeur général de la Régie d'Assainissement et des Travaux publics de Kinshasa (RATPK) dans le cadre d’un partenariat pour assainir la ville. Nous attendons le retour du Ministre de l’Environnement valant l’autorisation d’exercer nos activités.
6. FAM : Avez-vous eu l'idée de faire appels à des personnalités publiques afin qu'elles influencent les habitants dans leur manière de traiter les déchets ?
C’est prévu !
7. FAM : Avec quels acteurs collaborez-vous régulièrement ?
Tala Mosika, ce n'est pas seulement deux soeurs jumelles. Il y a toute une équipe dernière. Au sein de l’association, nous avons une
vice-présidente qui se nomme Lola DARABU. Fraichement diplômée en droit des affaires transfrontières, elle nous apporte ces compétences à la fois juridique et humaines.
Nous travaillons aussi avec des étudiants en biologie et le professeur Luhahi Lumba Fatuma, professeur d’embryologie, de cytologie, histologie et microbiologie à l’Université de Kinshasa (UNIKIN).
Nous sommes également en partenariat avec l'association Congo Green Citizen, fondée et dirigée par Patrick Kasele. Cette dernière oeuvre pour la promotion de l'éducation environnementale dans les écoles et divers milieux sociaux.
Enfin, nous allons travailler avec une entreprise camerounaise, nommée Red Plast SARL. Il s’agit de la première entreprise de collecte sélective et recyclage des déchets plastiques au Cameroun.
8. FAM : Comment parvenez-vous à convaincre les habitants de trier ?
Nous ne sommes pas encore arrivées à ce stade. Dans un premier temps, on fait tout pour les convaincre de jeter les déchets à la poubelle ou dans les lieux spécifiques à cet effet, et non dans les lieux publics ou caniveaux.
" Ce n'est qu'en persistant à changer le comportement de l'ensemble des habitants que l'on parviendra à réduire les dépôts de déchets et assainir la ville de Kinshasa ".
9. FAM : A quelles difficultés avez-vous été confrontés ?
La mentalité…On est dans une période dite « instable » avec des élections qui ne cessent de reculer. Lorsqu'on nous voyait ramasser les déchets, les gens pensaient que c’était une stratégie politique. On a eu le droit à des propos décourageants du style « ça ne sert à rien, Kinshasa est une poubelle ».
10. FAM : Au delà de l'assainissement des villes, quels seraient les impacts positifs de vos actions de sensibilisation ?
Et bien, justement faire évoluer les pratiques et les mentalités des habitants. Ce n'est qu'en persistant à changer le comportement de l'ensemble des habitants que l'on parvient à réduire les dépôts de déchets et assainir la ville de Kinshasa.
11. FAM : Envisagez-vous d'en faire dans d'autres pays d'Afrique ?
La problématique des déchets n’est pas propre à la commune de Limete. Elle concerne toutes le provinces et villes du Congo mais elle est aussi présente dans tout le continent. Il est donc souhaitable que cette initiative puisse en impulser d’autres communes sur l’ensemble de la ville de Kinshasa , voire au-delà, dans toute l’Afrique.
12. FAM : Quel est votre plus grand souhait ?
Tala Mosika rêve d'un Congo propre sans déchêts où il fait bon d'y vivre. Des routes en bon état, des rues et des communes fleuries.
Un environnement sain pour tous !